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Arbre

Le Temps des Rêves

Y'a parfois des victoires au goût de défaite
Un peu trop sucrées pour y croire
Un peu trop faciles, aussi
Données pour ainsi dire
Ces murs qu'on aurait voulu abattre
Après des années de lutte, d'acharnement
Arc-boutés de toutes nos forces,
Et qui soudain s'effritent comme pour nous narguer.
D'un poing à peine sanglant, égratigné
On brandit de ternes trophées
Pleins de poussière, à peine sortis des étagères.
La couronne de laurier sent la cuisine provençale.

Ce qui compte, dit le marin, ce n'est pas la destination, c'est le voyage...
Y'a parfois des voyages qui laissent quelque chose d'un peu fade, d'un peu usé, des traversées qui manquent de tempêtes et de géants, de grands horizons après une mer déchaînée, qui ne sont plus que des attentes et qui ne laissent, une fois au port, même plus la peur de dériver.
Ces voyages dont on rapporte des photos carte-postales, des vues floues mal cadrées de touriste consciencieux.
Pas un regard, pas une main crispée, pleins d'une histoire qu'on aurait pu apprendre. Vides de sens. Vides de tout ce qu'on aurait pu y laisser...
Des voyages dont on rentre indemne.

J'ai des envies parfois de partir en croisade
De brandir en hurlant les drapeaux de mon camp
D'être le tout, sans chair, sans nom
Juste le cri d'une épée sous l'oeil de mon Dieu
Y'a des soirs où soudain j'voudrais avoir une cause
Et m'écorcher les mains pour aller jusqu'au bout
Sacrifier mes envies pour franchir les obstacles
Et puis un jour, enfin, m'effondrer sur le sol,
Epuisé sale et faible, à demi ivre de fatigue,
Mais fier.

Ce qui compte, dit le soldat, ce n'est pas la victoire, mais le combat.
Quand on remet sa vie dans les mains de l'Autre, quand on consume ses jours comme encens offerts au ciel. Le sang coule, les balles sifflent. Ni coupable, ni innocent, les valeurs n'ont plus cours. On joue sur un autre plan.
C'est ta vie si légère sur laquelle on souffle, et que tu cloues au sol pour la retenir, c'est les vents de rage et de haine qui balaient la plaine, qui soufflent jusqu'à te renverser.
Rester debout, c'est tout. Le plus longtemps possible.

Je veux vivre, oui, pas me laisser porter
Mériter chaque jour, chaque seconde
Vivre, mais qu'on me donne un ennemi
Qu'on me laisse arracher mes défaites.
Tomber, c'est se relever plus fort.
Mourir, c'est gagner une chance d'exister.
Faillir, n'est-ce pas presque réussir ?