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Arbre

Le Temps des Rêves

Bonsoir! Je me suis lancé il y a peu (un peu plus d'un an) dans l'écriture d'histoire de tout genre. J'habite en basse Normandie, mais on s'en fiche un peu. J'adore lire, et je dois dire que certains romans m'ont vraiment frappé. J'ai par exemple adoré Belphegor, Chantier, Dolores Claiborne (de Stephen King), et plus récemment, Terror, de Dan Simons. En fait, j'adore le réalisme dans les romans. Je pense que quand un homme doit mourir, il meurt et puis voilà. Je n'aime pas vraiment les résurrection, les scènes trop tirés par les cheveux, surtout lorsqu'elles sont à répétitions dans un seul roman. Sinon, je considère que l'oeuvre ultime de la littérature est la clé d'argent, de LoveCraft.

Pour information, je suis un homme. LOL! Excusez moi, ma présentation est vraiment faite en vrac! Mais je pense qu'on aura le temps de parler, d'échanger, car je viendrais lire quand je le pourrai vos propres textes. (j'ai des horaires vraiment difficiles en ce moment au travail). Ici, je vous donne le premier chapitre d'une histoire que j'ai écrite. Pour information, elle fait environ 210 pages de livre de poche. Environ 60 pages A4 autrement dit. C'est de la Science Fiction. Bonne lecture! J'espère que vous aimerez!























Space Nation























Space Nation
Division de Détroit











Objet: Convocation










Cher monsieur O'neil,


J'ai le plaisir de vous signifier qu'après moult réflexions, vous avez été sélectionné pour faire partie du voyage vers la planète Mars. Félicitation. Je vous attend pour parler de tout ça.








Steve Ordner.












-1-
La Space Nation était visible depuis plusieurs dizaines de kilomètres. De très hauts sapins l’encerclaient sur toute son aire, ne laissant paraitre que quelques un de ses gratte-ciels blancs et bleus plus grands encore.
Pour la rejoindre, David devait prendre l’autoroute 94, puis prendre la sortie 59, une route que seuls ses collègues et lui avaient l’utilité. Traversant un petit champs, elle menait à l'immense portail de la Space Nation, haut et épais d'une dizaine de mètres d'acier. Depuis le sol, on ne pouvait rien voir de l'intérieur de l'agence. Tout était barré par les sapins, plantés sur les côtés et haut dessus du portail. Il aurait fallu les survoler.
David immobilisa sa voiture et attendit. Un système automatique reconnut la plaque d'immatriculation de la voiture comme étant celle de David O'neil, un des employé de la Space Nation. Un tunnel s'ouvrit dans le portail. Il s'y engouffra.

Les premiers bâtiments visibles au loin depuis le portail étaient ceux des postes d’observation des satellites envoyés dans l’espace, au nombre de trois. Un groupe de personnes descendant d’un bus blanc semblait se rendre au plus proche. David comprit aux blouses blanches comme neige de ces personnes qu’elles étaient des étudiants en période de stage. Personne ou presque ne s'habillait de cette blouse une fois définitivement employé par la compagnie. Le choix de la tenue de travail devenait alors libre, mis à part pour les joggings ou les tenues trop extravagantes.
David accéléra et prit la piste allouée à la circulation des véhicules, qui contournait ces premiers bâtiments. A l’arrière, s'étendait une immense surface métallique de la dimension d’environ vingt terrains de football, sur laquelle se réfléchissait à l'horizon la lumière du soleil. C’était la base de lancement de satellites. A tout moment pouvait s'ouvrir à sa surface une ou plusieurs ouvertures circulaires de diamètres variables, destinées au décollage ou à la réception de satellites. Ce spectacle était très prisé des nouveaux venus.
Parallèle à la surface métallique, à la droite de la piste sur laquelle roulait David, se trouvait l'espace détente, semblable à un gigantesque stade de football recouvert. La qualité du repos des employés était très important aux yeux des dirigeants. On pouvait tout y faire ou presque. Il y avait des terrains de basket, de football américain et européens. Il y avait aussi plusieurs salles de jeux, de jeux, de cinéma, de sauna, de manucure ou de tout autre soin à la personne. Il y avait même un hôtel, où l’on pouvait dormir la nuit au lieu de rentrer chez soi, ce qui était utile pour les nouveaux employés qui n’avaient pas encore déménagé et qui habitaient encore loin de Détroit. La seule chose que David ait vraiment regretté, était que toutes ces choses ne soient accessibles qu’aux employés. Impossible donc, de faire venir jouer son fils Andros ou de faire profiter Mary, sa femme, de ces lieux ultramodernes. De ce fait, David y passait beaucoup moins de temps que certains.

Il conduisit sa voiture sur la piste pendant plusieurs minutes, puis atteignit enfin les bureaux administratifs. A chaque fois qu’il voyait un stagiaire ou un nouvel employé perdu, errant dans l’immense complexe qu'était la Space Nation, et c’était assez souvent le cas, David lui disait:
«C’est simple. Si tu cherches les bureaux administratifs, il te suffit de trouver les vieux immeubles. Tu les reconnaîtrais entre mille.» Car c’était comme cela qu’il se débrouillait lui aussi, lorsqu’il était jeune nouveau. Ce qu’il appelait les vieux immeubles, étaient quatre gratte-ciels jaunes orangés, qui avaient été les premiers construits lors de la création de la Space Nation, en 2006. Celui qui s’occupait de son intégration les premières semaines, Truman Landis, parti à la retraite depuis, lui avait expliqué que ces grattes-ciels étaient un ratage du premier architecte, qui avait complètement raté les plans d'arrivées d’eau et d’électricité. En constatant cela, la Space Nation avait rompu son contrat avec cet architecte, mais n’avait pas souhaité tout détruire, à cause du temps et de l'argent que cela aurait couté. Le nouvel architecte avait proposé un autre design, blanc et bleu vernis, accepté par les dirigeants de l’époque. Les nouveaux gratte-ciels avait été construit à une centaine de mètres des vieux immeubles.
L'entretien des surfaces extérieures de la Space Nation étaient intégralement confié à des modules de nettoyages autonomes surnommés "araignées". A tout moment, elles pouvaient apparaître, roulant aussi aisément sur le sol que sur les bâtiments, d'où leur surnom. Pas plus grandes que de gros aspirateurs, elles pouvaient repérer de très loin la moindre tache sur un carreau, venir se poser dessus à des centaines de mètres d'altitude, et la nettoyer.

Dès qu’il passa le portillon métallique du parking, son GPS s’alluma et lui désigna le numéro de la place où il devait se garer, et les démarches à suivre pour la trouver. David se devait de l’écouter, car certaines places étaient nominatives. Il descendit de sa voiture et se dirigea vers le gratte-ciel numéro 9, celui dont les employés s’occupaient des voyages spatiaux habités. Les portes coulissantes s’ouvrirent.

David avança jusque l'accueil, où personne ne faisait la queue ce matin. La secrétaire, qui ne l'avait pas entendu arriver, était occupée de dos, à se vernir les ongles de la main.
-Bonjour ?
-Oh… Pardon, dit-t-elle, en le regardant de profil. Elle posa son verni se tourna face à lui avec un sourire gêné.
-Ce n’est rien, répondit-il en souriant lui aussi. Il lui remit la lettre, qu’elle passa devant une plaque en verre transparente qui se trouvait face à elle, fixée à son bureau. Un bip retentit.
-Merci, dit-elle avant de la lui redonner.
Différentes directives s’affichèrent en rouge sur la plaque. La secrétaire n’avait pas à lire la lettre, mais seulement la faire analyser, et voir la ou les démarches à suivre.
-Vous souhaitez surement voir monsieur Ordner ?
-C’est ça.
-D’accord.
Elle toucha de son index la directive 1.
«Accepter rendez-vous (personnes conviées: Steve Ordner, David O’neil)»
la deuxième,
«Décliner rendez-vous (personnes conviées : Steve Ordner, David O’neil)»,
fut barrée, avant de prendre une teinte pâle, presque invisible.
-Rendez-vous prit, lui dit-elle.
-Dans combien de temps?
-Hmm…
Elle balaya les deux directives d’un revers de la main, et fit apparaître une liste du personnel qu'elle fit défiler à la recherche de "Steve Ordner". Ne le trouvant pas rapidement, elle finit par dire, après approché sa bouche de la plaque, «Ordner», en articulant lentement. La photo de Steve Ordner
s’afficha, et une phrase apparut à ses côtés:
«Vous cherchez ceci ? »
-Oui. Excusez-moi pour le temps, dit-elle à David.
-Ne vous excusez pas.
Toutes sortes d’informations s’affichèrent à côté du portrait d’Ordner.
-Alors… Ça me dit qu’il est en rendez-vous, ici à la SN, mais dans un autre bâtiment, non précisé. Le directeur ne dit jamais qui il voit. Il est comme ça. En tout cas, il a indiqué que ce déplacement allait durer environ une heure, donc il devrait arriver dans environ… Dix minutes ?
-Parfait, merci.
Il lui tendit son badge, elle le passa devant le même scanner que pour la lettre, et le lui rendit.
-Merci.
-De rien, et bonne journée !
David se dirigea vers les ascenseurs, et choisit l’étage le plus haut, le quarantième. Le petit rebond que faisait toujours la cage avant de commencer son ascension le faisait toujours sourire. Il arriva au quarantième étage. Les couloirs des bureaux administratifs formaient des « O ». Ainsi, du seuil de l’ascenseur, il pouvait voir toutes les portes des différents bureaux, saufs lorsqu’elles étaient cachées par des piliers.
L'étage était calme. Il n'y avait personne. Il se pencha un moment à la barrière, et observa les étages inférieurs. Il pouvait y voir différentes personnes qui se déplaçaient de bureaux en bureaux. La secrétaire n’était plus qu’une petite tache en bas. En continuant d'apprécier cette vue, il sortit son badge de sa poche, pour voir les informations que la secrétaire y avait transférées. A première vu, son badge n'était qu'un petit rectangle de verre transparent. Il le tapota, et le portrait d’Ordner y apparut, un minuteur sur son côté, affichant environ cinq minutes d'attente.
Il quitta son point d’observation, et alla aux baies vitrés. De celles-ci, on pouvait voir tout le complexe de la Space Nation. Des autres grattes-ciels administratifs, tous proches, aux piscines ouverte de l'espace détente, vues du dessus.
Une porte de bureau à sa gauche s’ouvrit, et une jeune femme sortit, complètement absorbée par la lecture d'une feuille qu'elle tenait à la main.
-Salut, dit-elle en passant devant David sans lever son regard.
-Salut, répondit-il, surpris qu'elle le salut alors qu'ils ne se connaissaient pas. un problème?
Elle se retourna.
-Oui, un petit problème, mais rien de grave.
Elle le regarda enfin. Elle avait de longs cheveux bruns qui finissaient en ondulant sur ses épaules, et des yeux verts.
«J’ai passé mon temps à faire un travail, concernant l’achat de carburant pour une de nos sondes, mais je me suis trompée de compagnie, enfin de distributeur d’énergie. Elle soupira une seconde fois, en faisant un geste las de la main.
-«Il y en a tellement… J'ai du tout annuler...»
-C’est pas de chance, j’imagine que la réaction de…
-C’était Total.
-J’imagine que celui avec qui vous traitiez à Total ne devait être pas très content.
-Vous imaginez très bien.
Elle s' adossa à la baie vitrée, et continua:
-Imaginez, je commence à vous appeler à huit heures ce matin. (Elle regarda sa montre) Il est maintenant dix-heures.
Il acquiesça, en lui montrant que ça faisait effectivement long.
-Donc, je vous appelle, vous êtes un employé de Total, je vous parle d’un gros achat. Parce que c’était pas un petit ! C’était d’une tonne cinq.
-Oui, c’est beaucoup.
-Donc, vous êtes heureux, vous allez vendre une bonne dose de G+, et surement gagner une bonne prime. On en parle toute la matinée, on plaisante de choses et d’autres, c’était un homme en plus. Et au moment de conclure le deal, je me rends compte qu’il y a un souci.
-Aie…
-D'un coup j'ai regardé le logo, et je me suis rendu compte que monsieur Michelis ne m’avait pas chargée d’acheter à total, mais à Essor.
David acquiesça et prit un air soucieux, en se tenant le menton.
-Il me semble que le cours du G+ à Total est au plus haut en ce moment, en plus…
-Exactement! s'exclama-t-elle, avec un entrain qui surprit David. Vous imaginez, si j’avais acheté là-bas, quelle catastrophe!
-Il avait envoyé les contrats et tout ce qui va avec?
-Ouais ils sont là, dit-elle, en lui montrant le logo de Total sur le paquet de feuille qu’elle tenait. J’aurais pu faire perdre des milliers, voir des millions à la 9, dit-elle en hochant la tête, le regard vide, semblant imaginer le scénario. Et vous, qu’est-ce que vous faites ici?
-Euh, rien.
Il lui montra son badge. J’attends monsieur Ordner.
-Monsieur Ordner! répéta-t-elle, comme admirative. Ça doit être important.
-Oui.
-Je ne vous avais jamais vu ici, comment vous vous appelez?
-Moi non plus, mais je viens rarement ici il faut dire... La plupart du temps je travaille sur la mécanique des satellites à la base de lancement. Je m’appelle David O’neil.
Elle fronça les sourcils, puis quelque chose sembla lui revenir à l’esprit.
-O’neil! C’est vous qui avez fait la simulation de voyage vers Mars! En 26!
-C’est moi oui, mais je n’étais pas le seul.
-C’est vrai, il y en avait d’autres, mais je n’en n’avait jamais croisé un seul jusqu'ici…
-Peut-être que si. Regardez, moi, rien ne vous aurait mis sur la piste…
-Je dois bien l’avouer, oui.
-A quoi je ressemble? lui demanda-t-il avec un air très sérieux.
-A quoi vous ressemblez?
Elle ne comprenait pas la question.
-Comme ça, si vous m’aviez juste vu, et dit « salut », vous m’auriez pris pour qui ?
-Hmm… Ce n’est pas dans mon habitude de me faire des réflexions sur les gens que je croise...
Elle jeta un œil sur sa montre.
-Ça va, j’ai encore un peu de temps devant moi. Je dirais… Un technicien rêveur.
-Un technicien rêveur...
-Oui, enfin, je sais pas moi, quelqu’un qui viendrait réparer un ascenseur défectueux et qui se serait mis à rêver à un autre travail, plus passionnant.
-Oh, ça va, je n’aurais pas à me plaindre. La mécanique des ascenseurs est super intéressante vous savez.
-Oui, je n’en doute pas! Mais, racontez moi ce temps enfermé, ce n’était pas trop dur ?
A ce moment, le badge de David émit un bip. Il le sortit de sa poche.
-Ah mince, il est arrivé.
-C’est dommage, mais de toute façon, je pense que c’est mieux… J’ai des choses à faire et…
-Oui, de toute façon, on se reverra surement, pour que je vous explique tout ça.
-D’accord, venez quand vous le voulez! Ça sera un grand plaisir pour moi.
David se dirigea vers l’ascenseur et elle vers un autre bureau. Ils se saluèrent une dernière fois avant que David n'entre dans l'ascenseur. Une fois les portes refermées, il regarda où se trouvait Ordner. Au vingtième étage.
Durant les semaines qui suivirent sa sortie du module de simulation, David avait du répondre favorablement à plusieurs demande d'interview. Comme il n’aimait pas les fausses promesses, il se dit qu’il enverrait plusieurs de ces interviews à... Il se rendit compte qu'il avait oublié de lui demander son nom.
Descendu au vingtième étage, il passa son badge devant le scanner du bureau B, et de petites notes de piano retentirent à l’intérieur. Puis, quelques secondes après, les doubles portes en bois s'ouvrirent.
-David! s'exclama Ordner, avant de lui donner une tape amicale sur l'épaule.
-Monsieur Ordner, répondit David en souriant timidement et en se dirigeant vers la chaise face au bureau. Ordner avait plusieurs bureaux, dont deux dans la tour 9, et au moins un par tour administrative. Il était le directeur général de la Space Nation. Physiquement, il était un homme assez grand et massif. Ses cheveux étaient coiffés d’une raie sur le côté, et n’avaient plus aucune couleur autre que le blanc maintenant. Ordner avait 66 ans, mais était très attaché à son poste, haïssant le mot retraite. Il alla jusqu’à un petit placard de son spacieux bureau et se servit un verre.
-Vous voulez quelque chose ? A boire, ou bien à fumer? Un cigare peut-être ?
-Euh... Qu’est-ce que vous buvez vous ?
-Un scotche.
-Je vais plutôt prendre un jus de fruits si vous avez…
Ordner eut un petit rire, et vint s’asseoir face à David.
-Vous avez toujours le don de me faire rire, David.
Il appuya sur un bouton de son bureau, et une voix de femme retentit dans la pièce.
-Monsieur Ordner, votre commande ?
-Un jus de fruit multivitaminé, miss. Ça sera tout.
David le regarda d’un air surpris.
-Vous n’utilisez pas votre badge ?
-Oh, si, dit-il, comme si il avait oublié que ça existait.
Il but une gorgé de son verre puis sortit son badge de sa poche.
«Le badge, c’est pratique aussi...»
Il l’alluma, sélectionna le service de restauration, et commanda un jus de fruit.
-Il faut que je l’utilise au moins une fois par jour, sinon j’oublie comment ça marche ce truc-là. Regardez, j’ai préféré faire installer un dispositif un peu plus ancien, mais qui marche aussi bien(il lui montrait le bouton d'appel sur son bureau).
-Je vous comprends.
Ordner but une seconde gorgé et fit un clin d’œil à David. Puis un sourire se dessina sur son visage.
-Alors David, vous avez eu votre lettre ?
Le visage de David s’illumina, comme si il parlait de la plus belle chose qu’il ait vue de sa vie.
-Oui je l’ai ouverte hier soir Steve... Monsieur Ordner pardon!
-Vous pouvez m’appeler Steve.
-Steve… C’est extraordinaire.
-Vous le méritiez bien David…
-Mais quand j’ai fait la simulation, on nous a fait comprendre avec Oscar et James, (ses deux compagnons dans le module de simulation) qu’il y avait une chance sur mille pour que ce soit nous qui participions au vrai voyage...
-Une chance sur mille ne veut pas dire aucune, David. Une, chance sur mille.
A ce moment, les mêmes notes de piano que précédemment retentirent dans le bureau. Ordner appuya sur un autre bouton, cette fois avec le pied car il était situé au sol, et la porte s’ouvrit. Deux serveuses firent leur apparition, trainant un chariot.
-Monsieur Ordner, vous avez commandé deux jus finalement ? demanda l'une d'elle.
-Oui, confirma-t-il. Un pour monsieur O’neil et l’autre pour moi.
-D’accord, dit-elle, ouvrant l'un des compartiments du chariot.
-J’en avais commandé un, mais comme que je m’étais trompé et que j’en voulais deux, j’ai commandé l’autre avec le badge, expliqua-il, avant de faire un clin d’œil à David. La serveuse amena deux bouteilles de jus de fruits, que la seconde vint décapsuler avant de plonger une paille dans chacun d'eux.
-Voici ! Autre chose ?
Ordner secoua la tête.
«Bonne journée.»
-Merci vous aussi.
Quand elles furent ressorties, Ordner dit:
-Vous voyez, ces gens sont là pour nous servir, mais il ne faut jamais les prendre de haut…
-Oui, c’est ce que je dis toujours à mon fils, ne jamais juger une personne de par son apparence ou sa profession.
-Jamais! répondit le directeur, avant de finir son verre. Où en étions-nous… Ah oui, vous avez été pris David.
-Toutes les langues disaient que je ne serais pas pris.
-Pas la mienne David, est-ce que vous m’avez entendu dire que vous ne seriez pas pris?
David secoua la tête.
-Dans la vie, c’est comme ça. On ne peut pas prévoir ce qui va arriver. Oui, c’est vrai, de par votre âge, vous n’étiez pas le mieux placé. Mais! Après tout, ce n’est pas l’âge qui compte. Mais l’état de la personne.
Il feuilleta un dossier sur le bureau.
-Vous avez fait, il y a de cela dix ans, une performance remarquable David. Les résultats de votre simulation... Enfin je ne les ai pas là (il repoussa le dossier) mais… Vos résultats de l’époque sont remarquables. Si je me souviens bien, vous vous n'êtes énervé que trois fois.
-Je crois que c’est deux…
-Deux fois seulement. C’est extraordinaire.
David aspira un peu de son jus. Il s'en souvenait précisément. Il s’était énervé une première fois parce qu’il essayait de demander à James Harris si il pouvait lui emprunter son bracelet minuteur, à travers la porte de la salle de bain. Sous la douche, James ne comprenait pas minuteur, mais interrupteur. Au bout de la cinquième tentative ratée pour se faire comprendre, David avait dit «oh... merde! », avant de laisser tomber et de partir. Une seconde fois à cause des ouvre-boîtes qui se cassaient les uns après les autres. David avait essayé d’ouvrir une boite d’ananas, et voyant qu’une nouvelle fois, il se cassait en deux dans sa main, il l’avait jeté contre le mur, suivit de près par la boite d’ananas.
-Extraordinaire, David, répéta Ordner.
-Merci beaucoup.
-Vous avez une méthode ?
David regarda le plafond.
-Je dirais... Relativiser les choses qui arrivent, regarder les vraies conséquences de ces choses. Il y en a qui s’énervent parce qu’un café tombe sur leur chemise, mais bon, il suffit de la mettre au sale et puis voilà. Ce n’est pas gueuler sur son fils ou sur sa femme qui va effacer la tâche... Enfin bon...
-Ça semble si simple en vous écoutant. On vous a choisi pour ça, David. On sait ce que vous valez, à quoi s’en tenir avec vous. Physiquement en plus, vous n’avez vieilli que de quinze ans après tout. Aujourd’hui, certains sont encore boxeurs à cet âge.
-C’est vrai, il y en a certains.
Le sourire d’Ordner s’effaça.
-Écoutez David, j’ai personnellement travaillé à favoriser votre sélection.
-Ah oui ? demanda David, tout à coup craintif de ce que cela pouvait
signifier.
-Je vous le dis David. Soyez prêt ce jour, sinon, on sera tous les deux mal. Ou Abandonnez. Vous en avez aussi le droit. Vous avez de toute façon une semaine pour vous rétracter. Ce délai écoulé, votre contrat deviendra officiel.
-Vraiment, il n’y a pas de problème. Je vais m’entrainer pour être au top.
-Je le sais, répondit Ordner, en s’essayant au jus de fruit. Pas mal, dit-il comme si le jus avait été préparé par David lui-même.
-Combien de temps va durer la mission?
Ordner secoua la tête.
-A peu près deux ans durant lesquels vous découvrirez la planète, c'est tout ce que je sais. Pour le reste, je préfère ne pas vous dire d’âneries. Je ne sais pas non plus quand vous partez... Le dossier de votre départ se trouve en possession d'N'Guyen, en POS 1 (poste d’observation des satellites numéro 1). Je lui ai laissé, au cas où je m'absentais pour plusieurs jours. Je voulais que vous pouviez y accéder rapidement.
-Ah, très bien…
-Je dois vous donner un badge spécial, à la hauteur de votre nouveau statut… Mais pour cela…
Il sortit un contrat de sous la table.
-Il faut que vous signiez David…

Ordner ouvra l'une des pages du contrat, et lui montra une ligne du doigt:
-Est-ce que la personne réuni toutes les qualités physiques…
Il cocha «oui », et signa de son nom.
«On est d’accord David, ne me décevez pas.»
-Aucune chance.
-Bien, signez ou disparaissez !
David sourit, et lui prit son stylo.
Quand il eut fini de lire et de signer chaque page, Ordner lui remit un badge, et lui reprit l'ancien.
-Merci, dit David, en regardant son badge, qui était en tout point similaire à l'autre.
-Il n’y pas de quoi. En prenant ce badge, vous délaissez votre poste habituel et entrez officieusement dans votre préparation. Et officiellement dans une semaine. Bon, je vais m’occuper de toute cette paperasse, lui dit-il en tassant le contrat, avant de se lever. David se leva à son tour, et ils se serrèrent la main. Puis, Ordner fit ouvrir les portes. David partit, aussi souriant que lorsqu’il est arrivé. Il quitta la Space Nation, sans se rendre au POS 1, en se disant qu’il ne fallait pas céder à la précipitation. Il conduisit en se trouvant faible, troublé. Comme le jour où il avait su que Mary acceptait de sortir avec lui. Comme à chaque fois qu’une chose à laquelle il ne croyait pas vraiment, se réalisait.