Publié le 21/04/2013 à 20:59:39
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Le mur ouest de la salle était ouvert sur une grande terrasse. Wen se souvint avec plaisir des soirées qu’elle avait passées là, avec Ehl, à écouter un de leurs amis, conteur, tout en admirant le ciel d’encre… Seules trois immenses colonnes marbrées marquaient la limite entre l’intérieur de la salle et l’extérieur. Entre, des rideaux de velours, d’un bleu cobalt sombre, étaient relevés pour laisser la vue dégagée. L’hiver, on les fermait pour garder la chaleur dans la salle. C’était le même principe que dans les chambres du palais de Corona. Le parapet du balcon se transformait en colonnes sculptées, sur lesquelles reposait l’avancée du toit en tuiles céruléennes, caractéristiques de la citée. De la glycine, dont les teintes variaient du bleu ciel au pourpre, s’enroulait autour des colonnades de pierres blanches et décorait les murs. Le joueur de flûte se trouvait sur cette terrasse, assis sur un banc en bois. Il était entouré d’enfants en bas âge et, avec son apprenti, il les surveillait en leur racontant une histoire. Wen cacha son sourire moqueur. Le Général d’Argatz et les autres Humains qui avaient cru que les Scribes s’amusaient sans pudeur malgré la situation devaient se sentir honteux. Elle était la seule du groupe à avoir déjà vu cette salle en bon état. Mais la tristesse et le silence qui flottaient dans l’air étaient perceptibles pour tous. Pour Wen, c’était comme si on avait éteint la lumière des lieux, ternis les magnifiques peintures qui en décoraient les murs. La cité des Scribes était un refuge. Un lieu d’étude. Les soldats de Sílhures l’avaient occupé sans aucun respect. Ils avaient bouleversé les habitudes de l’atelier et, qui savait, détruit des vies… La Princesse serra les poings et retint la bouffée de colère qui montait en elle. C’était fini à présent. Mais si cela recommençait, seraient-ils assez forts pour vaincre à nouveau le Consilium ? Ils avaient eu beaucoup de chance d’éviter la catastrophe cette fois-ci. Peut-être devrait-elle prendre des mesures afin qu’ils n’aient pas à faire face à d’autres attaques par le futur… Le Consilium avait même attaqué l’atelier des Scribes sans aucun avertissement ! Seuls les Sept savaient de quoi ces vieux fous seraient capables la prochaine fois…
*Ma chère enfant, j’aimerais que lorsque tu te présentes chez moi, tu cesses un instant d’avoir des pensées aussi sombres afin de profiter de ma demeure.*
Alors que le reste du groupe se rendait sur la terrasse, pour admirer le paysage qu’offrait le point de vue, Wen resta en retrait. Elle se tourna vers Naïus, qui s’avançait à sa rencontre. Les paroles du Maître Dominus avaient complètement chassé de son esprit ses inquiétudes et la Princesse sourit tendrement à celui qu’elle considérait à présent comme son père.
— Comment vas-tu ? demanda Naïus en la serrant dans ses bras.
— Comme cela peut aller vu la situation…
— Elle n’est pas si désespérée que ça.
— Peut-être, murmura Wen, mais ce voyage a été éreintant. Côtoyer les Humains est plus difficile que dans mes souvenirs.
— Ils ne sont pas tous comme ce Ministre, la rassura Naïus.
Il proposa son bras à Wen et ensemble ils rejoignirent les Nadaniens et le prince Adil. La Princesse remarqua qu’Enjan était le seul à ne pas s’intéresser au paysage. Il la fixait intensément, il avait sûrement suivi tout son échange avec le Maître Scribe, même s’il n’avait pas dû entendre grand-chose. Elle lui adressa un sourire complice et il hocha doucement la tête avant de se pencher par-dessus le garde-corps pour admirer le long ruban d’azur que le fleuve traçait au milieu de la campagne vallonnée de Mirîle.