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Arbre

Le Temps des Rêves

Est-il absurde de croire en l'impossible ? Sujet de philo au bac il n'y a pas si longtemps je crois...

Pour moi le problème réside (là je pense être d'accord avec Faël) dans la nuance entre "croire" au sens ne pas condamner la possibilité que ce soit vrai et "croire" au sens être persuadé que c'est réellement et indiscutablement réalisable.

Parmi ces deux nuances de l'idéalisme : "tout est absolument réalisable" et "rien n'est catégoriquement impossible", la première est à mon sens indiscutablement dangereuse, la seconde en revanche me semble tout à fait viable et même plutôt bénéfique.

Le problème est que quand on cherche à exprimer un point de vue idéaliste, lorsque qu'on déclare "je crois que rien n'est impossible" l'interlocuteur à tendance à en déduire "donc, cette personne croit que tout est possible" (ce qui est assez logique) voire "donc, cette personne pense que tout est réalisable" (et là ce n'est plus tout à fait pareil). Or croire dur comme fer que tout est possible et réalisable ("si je m'entraîne je peux avoir des superpouvoirs et rendre les gens heureux pour la vie rien qu'en les regardant"Clin d'oeil implique s'investir et se lancer dans des actions qui n'ont aucune chance de réussir. ça conduit donc à beaucoup d'échecs et de désillusions. De là le rapport qu'on fait souvent entre l'idéalisme et le danger de tomber du lit au réveil (métaphoriquement bien sûr).

Or ce danger est considérablement moindre lorsqu'on s'arrête à "rien n'est impossible". Peut-être est-ce là que ton amie se place, vouloir (et réussir à ?) croire que rien n'est impossible. Pour moi cela permet de ne jamais se fermer de portes (si je me sens venir des superpouvoirs, j'essaie de le développer au lieu de me dire que je dois rêver), mais avec un pare-choc supplémentaire par rapport à l'idéalisme pur : c'est que l'on sait bien que si tout peut peut-être arriver, il est extrêmement improbable que l'on parvienne à déclencher, par exemple, des phénomènes surnaturels et donc qu'il est suicidaire de se baser là dessus pour nous construire ou pour nos objectifs réels.

Si l'on reprend "j'aimerais apprendre à voler" : ne pas se dire "non, cela ne se peut pas" permet de se garder un rêve, c'est à dire ici un espace accessible de son imaginaire où l'on peut se projeter et se ressourcer en retrouvant le contact avec nos motivations simples, ce à quoi on aspire, un idéal, bref ce qui fait qu'on est qui on est, et cela sans le filtre de tout le cynisme nécessaire à notre survie.
En revanche, ne pas se dire "je peux apprendre à voler, il y a forcément une manière puisque tout est possible" évite de passer sa vie à expérimenter les diverses manières de ne pas réussir à planer dans les airs (même si je ne nie pas que ça peut être instructif), évite de déprimer parce qu'on est frustré de ne pas pouvoir combler cette envie alors qu'on est persuadé qu'il y a un moyen, et évite enfin de passer par une étape de désillusion et déception insurmontable lorsque, à force d'échecs de notre part ou de mathématiques de la part des autres, quelque chose finit par nous convaincre que, il faut se rendre à l'évidence, ce qu'on veut est vraiment impossible, même en y consacrant notre vie entière. Cela évite enfin quelques réactions qui peuvent s'imposer après ce genre de désillusion, comme : "désormais je ne veux plus croire en rien le monde est contre moi et m'empêche de réaliser mes rêves". (ça c'est le passage brutal de l'idéalisme pur au cynisme absolu en apparence, dont sont victime de nombreux adolescents à mon avis...)

Bref, l'idéalisme je vote pour à condition de se rappeler que l'impossible, c'est très beau mais très glissant, donc y croire c'est bien mais il vaut mieux éviter de trop s'appuyer dessus. En considérant cela, l'idéalisme tel que je le conçois me semble viable et tout à fait de nature à nous aider.

Mais est-il préférable d'être idéaliste de cette manière, ou vaut-il mieux tout de même être "réaliste" (pragmatique ?), ne pas rêver de ce qui parait impossible, se construire un idéal qui nous semble accessible ? Peut-être est-ce la voie du sage... Et peut-être pas^^.
Se limiter à ce qui est réputé possible n'empêche pas d'être heureux je pense, mais cela peut nous faire passer à côté de quelque chose de "grand" que l'on aurait pu réaliser (quelle importance, me direz-vous, si l'on est heureux ?), cela peut nous permettre de nous concentrer sur des objectifs atteignables et donc d'être plus efficace, mais si nos idéaux sont atteignables, une fois que c'est fait, que nous reste-t-il ? (Eh ben on s'en trouve un nouveau et on apprend des tas de trucs sur le chemin pour y parvenir...)

Entre ces deux manières de vivre j'ai bien du mal à me décider. C'est à mon avis les deux meilleurs ingrédients pour fabriquer notre "recette de vie", comme disait Lune. Il faut juste éviter de trop piocher dans le pot "idéalisme suicidaire" et dans celui "cynisme total". Ensuite tout dépend de la manière dont on aime vivre...

Pour ma part j'aimerais porter l'idéalisme comme un vêtement : l'enlever quand il m'encombre, et le remettre quand il me tient chaud, ou simplement parce que je l'aime bien. Est-ce un vêtement de pluie, un chaud manteau d'hiver, une simple veste ? C'est fragile, en tout cas, pas de doute...
Je voudrais pouvoir faire de même avec mon pragmatisme, mais j'ai l'impression qu'il est plus difficile à ôter...