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Arbre

Le Temps des Rêves

Aujourd'hui : découverte du provocateur Paul Valéry, poète et critique littéraire du début du XXe siècle. Sa particularité ? Il est formaliste, c'est-à-dire qu'il nie la possibilité d'un "vouloir-dire" de l'auteur, d'un sens possible à trouver dans une oeuvre, pour ne s'intéresser qu'à la forme pure, l’artéfact littéraire. Il a entrepris de relire de grands auteurs français reconnus pour leurs idées (philosophiques ou religieuses) comme Bossuet... ou Pascal, parce que forcément, je viens de découvrir son point de vue sur ce philosophe, en niant le fond et en mettant en valeur l'aspect purement formel, le génie de la langue qui porte les idées dont il n'a que faire. Par exemple, le cultissime "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraye." (Pascal) devient un poème parfait, dont il entreprend une analyse poussée et fascinante (qui lit Pascal de la sorte ?).

Vous me direz, au-delà de ma fascination d'hypo, ben y'a pas grand chose d'intéressant à partager. Mais c'est qu'il part de là pour développer toute une théorie de l'écriture, sur laquelle je n'arrive pas à me mettre d'accord : des pans plongent, selon moi, en plein coeur de mon expérience, d'autres me laissent indifférente voire me révoltent.
Par exemple, la forme doit-elle vraiment seule compter dans la lecture et l'écriture poétique ? Faut-il renoncer à saisir les idées de l'auteur, qui ne seront que des interprétations de notre propre subjectivité, de plus dépendantes d'un contexte culturel, d'une époque, d'un mode de pensée générationnel ?
Valéry traite l'écrivain de menteur, en particulier celui qui prétend se confesser dans son oeuvre. D'un côté, je ne suis pas d'accord parce que ça veut dire, en étendant, que le lecteur n'entre jamais en communication avec l'auteur, et qu'au-delà même de l'écriture, toute communication est impossible puisque chacun ment quand il se raconte. L'auteur serait duplice ; son texte une machine à fantasmer.
D'un autre côté, son point de vue me parle quand on l'applique à l'acte même d'écrire. Selon lui, dès qu'on écrit, on se dédouble : on pense à la réaction du public qui lira, et même dans le journal intime, nous jouons nous même le rôle de ce public. Résultat : choix de mots pour mieux exprimer ce qu'on veut dire, autocensure, mise en scène... Se raconter soi-même honnêtement semble impossible. Ainsi, il dit du désespoir que veut exprimer Pascal dans sa phrase :"Si je ressens que tout est vain, cette même pensée m'interdit de l'écrire." S'il y a écriture de la douleur, c'est que cette douleur quelque part n'est pas aussi forte, aussi remplie de désespoir que l'auteur voudrait le faire croire puisqu'il l'écrit ("vouloir que l'on prenne son industrie pour son émotion."Clin d'oeil.

Bref, je fourmille de questions... la vie est belle !^^