Retour à la conversation
Arbre

Le Temps des Rêves

Et voici une réaction d'une certaine poétesse ayant fait un tour à la ZAD il y a quelques temps :

"Aux Zadistes,

Inconnus d'ici et d'ailleurs, militants, amoureux d'un monde dont on a tous rêvé et dont on rêve encore, je pense à vous.

Ce matin, au beau milieu de la cuisine, des hommes bleus ont surgi.

J'ai revu la forêt de Roanne, les champs de blé sous le soleil de midi et la couleur malicieuse des fanes de carottes. Je me suis souvenu de la courbe des corps de ceux qui désherbaient le fruit de leurs efforts. Jardin né d'une friche rebelle, Le sabot, comme là-bas on l'appelle. Ce soir-là, la lumière avait la douceur d'un rêve d'enfant. Je me suis rappelé comment la terre et les Hommes m'avaient accueillie à bras ouverts, ce jour d'été, moi, l'inconnue. J'ai encore sur les lèvres le goût du vin de mûre qui soupirait d'attente dans sa bombonne de verre, celui des gratins anarchistes et du jus d'ananas siroté au soleil. J'ai repensé à ces murs sur lesquels on peut écrire des poèmes, ces arbres dont j'ai touché la cime et ces toilettes sèches où l'on explose de rire une fois bien installés. « Merci de laisser l'État dans les toilettes où vous l'avez trouvé. »
Je me souviens de toutes ces merveilles nées chez Vinci. Grâce à vous et malgré lui.

Ce matin, au beau milieu des souvenirs estivaux, des hommes bleus ont surgi.
Ils étaient des centaines mais paraissaient si faibles, pourtant, face à l'immensité de vos convictions. Ridicule pantins, boucliers de plastique et épaulettes trop grandes.
J'étais loin, je n'ai rien vu sinon quelques paroles, quelques images tentant de refléter des lambeaux de réel. Malgré cela, sachez que j'étais avec vous, et que l'idée des destructions prochaines m'a serré la gorge tout comme elles vous a serré le poing, m'a serré le poing tout comme elles vous a serré la gorge. J'ai vu la force de vos regards lutter pacifiquement contre les forces de l'ordre, le sérieux du clown blanc ébranler ces marionnettes austères.
« Non à l'aéroport, non à l'expulsion ». Ces quelques mots répétés en chœur, main dans la main, même trainés sur le sol, cette simple phrase, bien plus puissante que tous les discours que l'on pourrait écrire...

Inconnus d'ici et d'ailleurs, citoyens, responsables d'un monde qui s'en va à vau-l'eau, vous le savez peut-être mais je veux le redire.
Ces personnes traînées dans la carcasse de l'aube ne sont pas des voyous, ce sont des êtres humains.
Ils vivent sur la terre et ils y reviendront.
Ça, personne n'a le droit de les en empêcher."