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Arbre

Le Temps des Rêves

Je suis très troublé en cette période, j’ai discuté avec mon vieux psychiatre, le docteur Hartman, il me semblait que j’étais arrivé à un tournant, je voulais savoir ce que j’avais et pourquoi je voyais un psychiatre et je prenais des médicaments.
- Mais je suis quoi exactement ?
- Ça n’est pas très important que vous le sachiez, et puis je n’aime pas ranger les gens dans un tiroir avec une étiquette…
- Mais encore…
- Vous êtes éventuellement borderline…
Ça ne me disait rien. Borderline, je trouvais juste ça joli. J'aime bien le vocabulaire de la psychiatrie. Maniaco-dépressif, mélancolie délirante, hystérie, etc, même si ces maladies ne doivent pas être faciles à vivre, les noms sont beaux. Je suis passé au supermarché acheter des steaks de thon, et au magasin Picard prendre une purée de légumes.
Borderline.
J’étais curieux.
Evidemment, j’ai fait comme tout le monde. Il était 17H00, je suis descendu au cyber-kawa, j’ai tapé borderline sur le moteur de recherche Googoo. Il y a un groupe de hard-rock tchèque qui s’appelle Borderline. Un groupe polonais aussi. Une chanson de Madonna et puis, je suis tombé sur un site de psychiatrie, puis d’autres. J’ai copié ces sites. Il était question de trouble de la personnalité limite (en anglais, borderline personality disorder, très, très joli), ou d’état limite.
Et j’ai lu.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas si vous avez lu des documents de psychiatrie. On alterne entre des réactions du type "C’est tout à fait moi, ça" et "Mais je ne vois pas en quoi ça me concerne". J’avais pris quelques notes. J’ai lu d’autres textes concernant la psychiatrie sur l’encyclopédie en ligne, l’article sur les psychoses, sur l’apragmatisme, sur les névroses, sur les troubles dissociatifs, des choses comme ça. J’étais dans un océan de notions abstraites. J’ai posé des diagnostics sur pas mal de gens que je connaissais - à peu près tout le monde - il y avait des gens qui souffraient d’apragmatisme notamment, j’ai même reconnu une hystérique,

A toi ma folle de ma salpêtre, hier
Le fond plat de ton araignée interne mandibule
Sur mes diagnostics improbables de
Mes mots dansent et valsent dans les nasses
De mes pensées prisonnières de
Non, non, je n’en dis pas plus, pas de tiroir ni d’étiquette
Joyeux Noël et bonne famille passée en soirée
De mon côté purée de panais et steak de thon
Sûr, je l’ai
J’attends nos demains


J’avais faim, mais pour Noël, il faut manger un peu plus tard, vers 22H00, mettons, je ne sais plus si c’est ce Noël-là mais j’ai relu des textes.

la battaglia
eh oui, le sens de la vie risque bien d'être dans la bataille
dans le combat
physique
ama la vita come la battaglia
e la morte come un baccio
Syracuse,
Des murs à écrivains hooligans
armées de pollueurs nocturnes
poètes bottés
Soldats sans ennemis dans une ville balayée par la tempête
La leçon suivie si ce n’est apprise, d’un Art total
La ville comme surface,
d’inscription,
d’agression,
de transgression
murs souillés par la pisse

de poètes qui vomissent leur texte
comme ils vomissent la poésie
espérant ne pas finir la nuit
que ce soit la dernière


J’étais dans un océan de notions abstraites.