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Arbre

Le Temps des Rêves

- Oui ça va, pourquoi ?
- Non, parce que depuis ce matin, vous écoutez cette musique en boucle, je me disais que... peut-être quelque chose n’allait pas…
- Si si ça va, j’adore cette chanson… J’ai entendu des cris chez vous hier soir…
- Des cris, j’étais seul pourtant…
- Oui, des cris, je ne savais pas si c’était un homme ou une femme…
- Ah, oui, je vois, non, c’était juste Genesis P. Orridge, Joyeux Noël…
- Joyeux Noël…


Finalement, des histoires, il y en a peut-être encore à raconter.
Souvent à Noël, je me dis : "Pourquoi tu n’écris pas un roman ?", c’est vrai, c’est une bonne occasion, un roman qui sortirait l’année d’après pour les fêtes, un roman de Noël, mais je n’ai pas trop d’idées de romans de Noël, j’aimerais raconter une histoire d’amour, une histoire d’amour contemporaine, c'est-à-dire une histoire d’amour ratée, un truc lamentable qui se finit mal mais pas par un suicide, je pense à un homme qui aime une femme qui a des trous dans la cervelle, pas de suite dans les idées, peut-être même est-ce une salope, je ne sais pas, je ne sais pas si les salopes existent encore (et peut-être que les salopes ont précisément de la suite dans les idées), peut-être qu’elles appartiennent à une autre époque, de toutes les manières, les gens appartiennent à une autre époque, on ne croise que des... je ne sais pas, des fantômes peut-être, mais moins beaux que les fantômes, des sortes de survivants.
Quand l’humanité s’est-elle éteinte ?
Quand l’humanité s’est-elle éteinte ?
Je ne sais pas.

C’est l’humanité pas-un-cheveu-qui-dépasse, des êtres gris, ennuyés, vides, qui picorent le réel, enfin ce qu’il en reste, des miettes, picorent des guerres, la compassion à l’ère de sa reproduction industrielle, des images, des messages, des emails courts, le réseau, des voyages dans des endroits qui se ressemblent tous, des boîtes à touristes, tous frais payés, des villes repeintes, des splendeurs passées, des villes fleuries, de la pierre nettoyée, la haine de la ruine, du make-up partout, de la retape, plus d’épices, plus de couleurs, plus de joie, un ennui poli, des cachetons pour dormir, pour se réveiller, pour prendre le métro, pour travailler, pour vivre en société, pour baiser, pour faire tomber son cholestérol, son sucre, pour civiliser ses neurones, pour inhiber ses neurotransmetteurs, des autres qui ne sont plus autres, des étrangers bidons, nés à l’hosto sous les néons-lights comme nous, plus d’autre, du même. Partout.


Manifeste OMP
L’ordre mondial protestant



Oui, dans le commerce traditionnel, il y a une promesse d’érotisme. C’est un échange, on se touche, on se frôle, on manipule la marchandise puis des billets, on peut même finir par boire un thé à la menthe (dans le souk, pas au supermarché). Mais au supermarché, on peut tomber amoureux des ongles de la caissière sur sa bite à code-barres, enfin moi, ça m’est arrivé, genre les ongles bien faits, image certes un peu pornographique sous la lumière des néons.

La pornographie, parlons-en.
Puritanisme et pornographie.
Oui, ces deux là se tiennent main dans la main, ils vont de pair, le puritanisme marche toujours avec dans son ombre la pornographie, la pornographie est l’ombre du puritanisme. C’est fini l’érotisme de l’échange, le commerce, c’est fini !, place au commerce à distance, marchandise tout couleurs sur le Net, achat par double-clic, de site en site jusqu’à tomber sur des putes siliconées et des pros de la bite, chez les puritains, adversaires du plaisir, du commerce direct et de l’érotisme, le plaisir est surjoué. Il est l’affaire de professionnels, le système tient comme ça. La rue protestante est vide, tout le monde est à la maison, cuisines calculées par ordinateurs et puis la télé et le Net sont apparus (inventions puritaines), là, c’est la débauche d’images, les guerres des autres, le cul des autres, super nibards et giclées de foutre bleu, plein de pixels, pas en perdre une miette, une goutte ! - je veux dire - et puis plus d’ombre, l’ombre c’est le vêtement, le caché, l’ombre est érotique, le porno a un éclairage plat. Le porno. Tout est devenu porno. Humour porno, infos pornos, compassion porno, rumeurs pornos, conseils santé pornos, guerres pornos. Ailleurs, là, des barbus qui se font péter contre des soldats de la paix, mais il y a un message d’espoir. On finira par se lasser, à moins que l’obésité, la psychose, les médocs, les drogues permises et toutes ces choses n’aient raison de nous. Les gens ressortiront dans la rue, tant pis si c’est risqué - OK- quelques bagnoles brûleront, les gens éteindront les écrans, un jour. Enfin je crois, je ne sais pas, peut-être que c’est la fin aussi.
La fin.
Farewell.
Adieu l’humanité.
Réel siliconé.
Terroristes tocs.
Sourires surfaits, identités surjouées.

Quand l’humanité s’est-elle éteinte ?
Oh, je ne sais pas.