Enjan va monter sur le trône, et rencontre en privé la Princesse des Elfes, Wen, qui a une proposition plutôt intéressante à lui faire. Mais avant il faut éclaircir quelques petits points...
(signalez les fautes!)
Il attendit qu’elle s’asseye pour parler.
— Mon père m’avait averti que vous demanderiez à vous entretenir avec moi.
— Votre père était plus intelligent que ce que beaucoup pensaient, fit observer Wen.
— Il m’a aussi prévenu que les gens du peuple avaient mis beaucoup d’espoir en moi, et que c’est pour cela que vous viendriez à ma rencontre.
— C’est exact. Nombreux sont ceux qui espèrent que vous rétablirez le calme sur l’Île. Vous avez le rang qu’il faut pour cela. Et vous y êtes préparez depuis votre enfance. Je souhaite vous aider, si vous le voulez.
— Il terminait ainsi : je n’aime pas les Elfes, j’ai appris à m’en méfier depuis mon enfance et je ne vais pas changer à quarante ans !
Wen reconnu bien l’ancien Roi dans ses mots.
— Et vous, Majesté, que pensez-vous des Elfes ?
Enjan remarqua que la Princesse aurait pu dire « Que pensez-vous de mon peuple » plutôt que « des Elfes ». Sûrement avait-elle préféré la deuxième solution afin qu’il exprime le fond de sa pensée, sans avoir peur de l’offenser. Le Prince appuya son menton sur le dos de sa main.
— Je les connais mal, exposa-t-il. J’ai entendu à leur sujet beaucoup de mal, mais j’ai aussi lu des livres qui ne tarissaient pas d’éloges à leur égard.
— Qu’en avez-vous déduit ?
— Que les rumeurs, répandues par des gens effrayés, s’avèrent plus dangereuses que quelques mots couchés sur du papier ! Cependant je préfère placer ma confiance dans les livres. Il est déplorable que l’on craigne autant les Elfes. D’un autre côté, je dois avouer qu’ils m’effraient. Ils viennent peu jusqu’ici, et lorsque c’est le cas, ils restent toujours dans l’ombre et loin de tous. Ils me font peur, mais je pense que les rancunes que le peuple entretien à leur sujet sont injustes et infondées. Alors j’aimerais mieux les connaître, avant de décider s’ils méritent d’être détestés ou non.
— C’est une sage décision. Je peux déjà vous donner quelques explications… La mésentente entre nos deux peuples n’est pas due à nos rares différences physiques, mais au fait que nous pensions différemment. Cela multiplie les désaccords, mais surtout les incompréhensions. Et si nous, les Elfes, envisageons le monde autrement que vous, c’est à cause de notre grande espérance de vie…
— Vous ne mourrez pas !
Wen sourit tristement.
— On peut tout de même mourir, le corrigea-t-elle. Mais il y a une deuxième raison, et c’est la principale. Depuis la fin des Grandes Guerres, les Humains et les autres espèces de l’Île nous accusent d’avoir attiré l’Obscur sur Codée. Nous serions responsables de ces années de combats sans répit, et donc de la situation d’aujourd’hui…
Enjan sentit que ces mots en cachaient d’autres. La Princesse était la seule à détenir la vérité sur les légendes qui circulaient à propos de son peuple, et de son implication dans les Guerres. De nombreuses versions existaient, souvent contradictoires les unes avec les autres, mais dans tous les cas les Elfes étaient représentés comme des traîtres ou des êtres plus malfaisants que des Démons.
— Est-ce que ces accusations sont vraies ?
Les yeux dans les yeux, ils se jaugèrent. La question était provocatrice. La poser c’était déjà mettre en doute la parole de la Princesse. Mais Enjan était certain qu’il s’agissait d’un mal nécessaire. Si Wen acquiesçait, il ne chercherait pas à savoir pourquoi ou comment les Elfes en étaient arrivés là. Il voulait juste savoir. S’ils devaient travailler ensemble, alors il devait au moins connaître la réponse à cette question. La confiance serait la clef de leur relation, ils ne pouvaient pas se cacher des informations aussi importantes.
— Non, répondit la Princesse. En tout cas, je ne pense pas. Le monde voulait un coupable, nous étions les boucs émissaires parfaits. Nous avions subi le moins de dommages matériel, et le moins de pertes… l’Ennemi nous avez piégés plusieurs fois pour qu’on nous accuse à sa place…
Enjan crut que quelque chose s’était brisé dans la voix de Wen. Fugacement, il vit se dessiner sur le visage de la souveraine une grande peine. Il ne put s’empêcher de sentir son cœur se serrer, de compassion et d’appréhension. Un jour peut-être lui aussi aurait cette expression au visage. Il se reprit. Il ne devait pas se laisser avoir par les sentiments ainsi. Kenja l’avait mis en garde à ce propos.
— Je vois…
— Le principal but de cet entretien est cependant tout autre. Nous discuterons des problèmes qui règnent sur cette Île plus tard.
— Vous voulez me proposer d’être mon Ombre...