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Arbre

Le Temps des Rêves

La vierge et l'ouragan
(co-écriture Mickaël Landès, Matthieu Ripoche et Flora Delalande)


Tourbillon de lumière diffracté par le vent. Pureté en cavale. J'entends un frémissement, le froissement d'un corps perdu dans les affres du ciel. Est-ce un cri ? 

Chahuté, balloté, tourné en tous sens. Tu deviens vent.
Tu montes et descends tel un ascenseur émotionnel au câblage usé, grinçant. Ton corps gémit doucement sous les caresses d'une brise téméraire. Et ta silhouette se fait ange, tache blanche au creux des cieux.
Tu tentes de te fondre dans les nuages, d'en prendre l'aspect, mais ceux-ci sont trop noirs, trop lourds et menaçants. Alors tu vocifères et tempêtes. Tu te débats, tissu immaculé, plastique abandonné. Tu te débats contre ces spectres effrayants. L'air est plus pesant que la gravité elle-même. Tu pressens que l'on te presse, que l'on t'oppresse, comme un insecte aux ailes déchirées qui voit le sol se rapprocher. Tu es dépendant du souffle qui te pénètre et tu sais qu'à la prochaine expiration de l'univers tu seras projeté au loin, en des lieux dont tu ne connais pas même le nom. On t'écrase, te plaque contre le sol, et t'arrache une fois de plus. Quelle est cette force qui te gouverne ? Ce souffle impétueux que tu sens entrer en toi ?

Un froid t'envahit, comparable à un blizzard, il te remplit de grêlons. Ton corps en devient encore plus incontrôlable. Ce sont des spasmes à présent. Qui t'agitent contre le vent. Tu te convulses violemment sous les assauts de l'Invisible qui te pénètre et viole, vole ta virginité en plein vol. Et le vent souffle. Il gronde en toi. Tu montes et descends sous ses coups de boutoir. Tu tournes et te retournes. Tu te froisses, te défais. Pureté en furie sous un vent de folie.
Ta danse devient macabre. Tu tends à t'effondrer, mais le vent te retient sans fin comme un jouet démembré. Dans l'instabilité la plus totale. Tu te déchires et t'ensanglantes sous les assauts furieux de cette force que nul ne voit mais que tout le monde sent. Mais elle ne frôle pas ton visage, non, pas comme celui des autres, elle s'engouffre en toi.
 Ton corps se fait tempête, cyclone puis ouragan. Tu hurles à présent dans le vent et les arbres s'époumonent avec toi.
Ils en crachent leurs feuilles, arrachent leurs ramures, écorchent leurs écorces. Les liens de leurs racines se brisent en un craquement assourdissant. Ils deviennent libres à nouveau. Mais les graines ne sont plus, perdues dans le néant d'un affolement soudain.

Le déchirement survient. Des sabres de lumière lacèrent le ciel d'une couleur dangereuse. Aveuglante. Orageuse. Les yeux des hommes brûlent sous les ramifications électriques qui percent tout autour. Leurs tympans succombent sous le déluge décibélien. Ils se cachent en entendant ton cri. Le monde est tailladé par la foudre, tanné par le tonnerre, tourmenté par le vent infernal. Et toi, trainée de plastique, tu te laisses porter, transporter, transpercer, posséder, malmener. Ici. Là-bas. Contre les murs de pierre, la poussière arrachée par la puissance du vent lui-même. Torturée de mouvement. Enivrée de violence. D'un lieu à l'autre. Le temps d'un éclair ou le temps d'un typhon. Le vent ne connaît pas les frontières ni les limites de sa puissante folie et il t'entraîne avec lui dans une sarabande universelle. Tu te frottes et te racles contres les hommes, les champs, les murs. Ton corps rouillé de la poussière des briques rouges fait tache dans cette univers de démence naturelle. Il te fait danser. D'un lieu à l'autre. Crucifiée des tourments. De haut en bas. Il arrache la terre, le ciel, la mer et les blessures pour les recracher sur le monde entier.
Tu tournes et te rapproches d'un centre à la limite de la brûlure. D'un œil narquois, clair et bien trop calme après tant de rugissements. Dans quelques minutes, ses bourrasques reprendront.
Coriolis ensauvagée aux courants échevelés. 

Ton nom est Ouragan.