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Arbre

Le Temps des Rêves

(c'est cool, j'ai deux fans ^^)
(les autres, vous avez le droit de n'en lire qu'un et de me dire ce que vous en pensez ^^)

Chantier poétique

L'histoire que je vais te raconter se passe à Rennes, au début du printemps. Zélie et Solène s'étaient rencontrées à Grenoble quelques années plus tôt. Déjà, ma voix vacille entre deux épisodes de leur vie commune.
Préfères-tu entendre l'histoire de leur rencontre ou bien celle qui prend ses racines en Bretagne, de nuit, dans les rues aux pavés émoussés ? L'histoire de leur rencontre, c'est celle de toutes les rencontres : deux inconnues qui se croisent et comprennent qu'elles ne se quitteront plus, qu'elles ont trop en commun pour ne plus se revoir. Comme dans toutes les rencontres, il y a des sourires, des paroles, des passions. Comme toutes les rencontres, elle est unique et mériterait qu'on la raconte. Mais pour te faire partager tous ces croisements d'âmes, il faudrait que j'apprenne à écrire sur la page blanche du ciel. Les rencontres, le mieux, c'est encore de les vivre. Après la rencontre, il y a les adieux. Après l'absence, il y a les retrouvailles.
C'est décidé, mon histoire se passera à Rennes. Ce sera l'histoire de Solène et Zélie, deux femmes qui ne se manquaient pas mais qui faisaient des étincelles chaque fois qu'elles se retrouvaient. Cette histoire commence dans une rue, au moment où le soleil va bientôt décliner.
C'était un temps à mettre des T-Shirts. Solène allait bientôt avoir froid mais elle ne le savait pas. Ils étaient quatre amis : Solène, Zélie, Lou et Yann. Ils devaient rejoindre Lucie au point de rendez-vous le plus visible de Rennes : devant les Galeries Lafayette. Je crois que dans toutes les villes, les Galeries Lafayette sont un point de repère éternel, comme un phare dans la mer. Avec ses grandes vitrines, ses lettres rouges immenses et ses lumières artificielles, le parvis des Galeries accueille sûrement des milliers de retrouvailles. Ils allaient être en retard, comme souvent. Les points de rendez-vous sont des endroits où l'on attend toujours un peu trop longtemps. D'ailleurs, Lucie attendait déjà nos amis pendant qu'ils couraient pour tenter de rattraper le temps.
Je pourrais raconter le début de la soirée mais ce sont ici Solène et Zélie qui nous intéressent. Je laisserai donc de côté quelques SMS impatients, les horaires de bus de la ligne 1, les ampoules aux pieds de Lou. Je laisserai le soin à tes papilles d'imaginer les falafels et leurs poids chiches, les quelques bières et jus d'orange de ceux qui n'ont pas encore appris à aimer l'alcool. Je ralentirai à peine sur les discussions de tous poils, les yeux qui papillonnent et les au revoir.
À une heure du matin, Zélie et Solène s'était retrouvées seules. Les bars fermaient. Il ne restait plus que les rues, la nuit et quelques passants plus ou moins claudicants et plus ou moins conscients.
La nuit, je t'assure que tous les chats ne sont pas gris. C'est un nouveau monde qui s'ouvre. Une nouvelle faune humaine qui se réveille. Les noctambules se retrouvent par petits groupes, se croisent, s'interpellent, échangent alors qu'ils ne se connaissent pas. C'est un espace-temps où le partage est possible avec le premier que tu croises. Parfois, la flamme d'un briquet vient illuminer un visage, un petit trait de fumée s'élève vers le ciel : une cigarette vient de s'allumer et se consume en même temps que le grésillement d'une musique un peu trop forte pour un simple téléphone portable. Il y a des paroles qui s'envolent. Parfois, quelques-unes restent.
Les paroles qu'elles ont prononcées ce soir-là, Solène et Zélie ne sauront jamais si elles sont restées ailleurs que dans leur mémoire. La nuit, baignée dans les vapeurs d'alcool, a cela de mystérieux que tout s'estompe naturellement. Elles avaient beaucoup ri. Et cette histoire serait bien différente si elle n'avait rencontré un élément – élément que nous appellerons « perturbateur » puisqu'il faut toujours nommer les éléments d'un récit. Sans lui, elles seraient probablement rentrées à pied chez Solène, riant de tout et de rien, réinventant le monde comme à chaque fois qu'elles se voyaient. Mais je t'ai promis une histoire et tu m'écoutes, attendant de savoir ce qui s'est passé cette nuit-là. Il a bien dû se passer quelque chose pour que j'aie envie de te le raconter. Cette chose, c'est notre élément perturbateur. Cette chose, c'est un clin d'œil à la vie. Oui, promis, je te dis bientôt ce que c'est. On peut jouer aux devinettes ? Oui ? Ça m'amuse. Qu'est-ce qui pourrait changer le cours d'une nuit ? Qu'est-ce qui a pu garder éveillées deux femmes en pleine ville, qu'est-ce qui a pu les pousser à arpenter les rues comme elles l'ont fait. Tu sais, grâce à lui, elles ont rencontré beaucoup de sourires et quelques yeux brillants. Ce n'est pas un être humain puisque c'est « une chose ». C'est un élément masculin puisque c'est « lui ». Il les attendaient au détour d'une rue. Pas très discret pour tout dire. Pourtant, tout le monde l'ignorait.
C'était un vulgaire plot de chantier.